Ma sélection poétique

 

 William Blake 


 (Londres, 28 novembre 175712 août 1827) est un peintre et un poète pré-romantique britannique

La Mort

Je suis debout au bord de la plage un voilier passe dans la brise du matin et part vers l'océan il est la beauté, il est la vie. Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse de l'horizon.Quelqu'un à mon côté dit :

 "il est parti" parti vers où ? Parti de mon regard, c'est tout !
Son mât est toujours aussi haut la coque a toujours la force de porter sa charge humaine. Sa disparition totale de ma vue est en moi, pas en lui. Et juste au moment où quelqu'un près de moi dit "il est parti", il y en a d'autres qui le voyant poindre à l'horizon et venir vers eux s'exclament avec joie : "le voilà "
 

C'est çà la mort !

Texte attribué à William Blake

 

Louis Aragon

                                        1897 - 1982
            
 

 
 
 
           Les amants séparés
 

Comme des sourds-muets parlant dans une gare
Leur langage tragique au cœur noir du vacarme
Les amants séparés font des gestes hagards
Dans le silence blanc de l'hiver et des armes
Et quand au baccara des nuits vient se refaire
Le rêve si ses doigts de feu dans les nuages
Se croisent c'est hélas sur des oiseaux de fer
Ce n'est pas l'alouette Ô Roméos sauvages
Et ni le rossignol dans le ciel fait enfer.


Les arbres, les hommes et les murs
Beiges comme l'air beige et beiges
Comme le souvenir s'émurent
Dans un monde couvert de neige
Quand arriva Mai l'amour y
Retrouve pourtant ses arpèges
Une lettre triste à mourir
Une lettre triste à mourir.



L'hiver est pareil à l'absence
L'hiver a des cristaux chanteurs
Où le vin gèle perd tout sens
Où la romance a des lenteurs
Et la musique qui m'étreint
Sonne sonne sonne les heures
L'aiguille tourne et le temps grince
L'aiguille tourne et le temps grince


Ma femme d'or mon chrysanthème
Pourquoi ta lettre est-elle amère
Pourquoi ta lettre si je t'aime
Comme un naufrage en pleine mer
Fait-elle à la façon des cris
Mal des cris que les vents calmèrent
Du frémissement de leurs rimes
Du frémissement de leurs crimes


Mon amour il ne reste plus
Que les mots notre rouge-à-lèvres
Que les mots gelés où s'englue
Le jour qui sans espoir se lève
Rêve traîne meurt et renaît
Aux douves du château de Gesvres
Où le clairon pour moi sonnait
Où le clairon pour toi sonnait


Je ferai de ces mots notre trésor unique
Les bouquets joyeux qu'on dépose aux pieds des saintes
Et je te les tendrai ma tendre ces jacinthes
Ces lilas suburbains le bleu des véroniques
Et le velours amande aux branchages qu'on vend
Dans les fleurs de Mai comme les cloches blanches
Du muguet que nous n'irons pas cueillir avant
Avant Ah tous les mots fleuris la-devant flanchent
Les fleurs perdent leurs fleurs au souffle du vent

Et se ferment les yeux pareils à des pervenches
Pourtant je chanterai pour toi tant que résonne
Le sang rouge en mon cœur qui cent fois t'aimera
Ce refrain peut paraître un traderidera
Mais peut-être qu'un jour les mots que murmura
Ce cœur usé ce cœur banal seront l'aura
D'un monde merveilleux dont toi seule sauras
Que si le soleil brille et l'amour frissonne
C'est que sans croire même au printemps dès l'automne
J'aurai dit traderidera comme personne 


Pour faire écho à Marceline !


L'affiche rouge


Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Louis Aragon.
À découvrir sur le site https://www.poesie-francaise.fr/louis-aragon/poeme-l-affiche-rouge.php

 

Arthur Rimbaud

1854 - 1891



 

Le dormeur du val

 

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 

Poème  appris en primaire, qui m'avait beaucoup marqué. J'ai compris avec ce texte l'importance de la "chute".

 

Marceline Desbordes-Valmore

1786 - 1859


                        Les séparés 

N'écris pas, je suis triste et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés, sans toi, c'est l'amour sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.
 
N'écris pas, n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu, qu'à toi si je t'aimais.
Au fond de ton silence, écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
 
N'écris pas, je te crains, j'ai peur de ma mémoire.
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
 
N'écris pas ces deux mots que je n'ose plus lire.
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur,
Que je les vois briller à travers ton sourire.
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur.
 
N'écris pas, n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu, qu'à toi si je t'aimais.
Au fond de ton silence, écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais. 
 
 
Si vous souhaitez en apprendre plus sur Marceline :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marceline_Desbordes-Valmore
 
 
 

 

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